Entretien avec le père Jean-Michel Poffet, maître en sacrée théologie

Rappeler au monde d’aujourd’hui qui souffre de la violence que dieu s’est révélé comme un Dieu de libération

Magister in Sacra Theologia

« Le monde actuel souffre à nouveau sous beaucoup de violences non seulement sur les terrains de guerre mais aussi dans le langage, la politique, les relations humaines jusque dans le couple, la famille etc. Il y aussi un grand manque d’espérance »

Jean-Michel Poffet, OP, qui a reçu le diplôme de Maître en Sacrée théologie1 de l’Ordre des Prêcheurs en 2023, dans une interview accordée aux médias de l’Ordo Praedicatorum :

Qu’est-ce que cela signifie pour vous d’avoir reçu le diplôme de maître en sacrée théologie du Maître de l’Ordre ?

J’ai été évidemment très honoré que ma Province ait choisi de me proposer à la MST et que le Maître de l’Ordre me l’ait accordée. La laudatio a souligné le lien que j’avais toujours essayé de privilégier entre l’étude de l’Écriture sainte et la prédication au sens large. Tout ce qui pouvait éclairer non seulement le passé des textes étudiés mais leur futur pour le peuple de Dieu. Je ne puis qu’être encouragé à poursuivre dans ce sens.

En tant que maître en sacrée théologie, comment voyez-vous la contribution théologique actuelle de l’Ordre pour l’Église et pour le monde ?

Le monde actuel souffre à nouveau sous beaucoup de violences non seulement sur les terrains de guerre mais aussi dans le langage, la politique, les relations humaines jusque dans le couple, la famille etc. Il y aussi un grand manque d’espérance. Il me paraît donc urgent de chercher à mettre en lumière la Révélation d’un Dieu qui est « ami des hommes », qui est un Dieu de libération, qui l’a montré avec Moïse et surtout avec Jésus. Et Jésus, lui-même blessé, montre ses plaies à ses disciples après sa résurrection, tout en leur confiant la paix et le pardon. Un vrai programme d’humanisation…

Dans un contexte de révolution technologique, comment aborder l’interprétation biblique ?

Les outils à notre disposition facilitent l’étude biblique, offrent une documentation historique, archéologique, linguistique. Mais rien ne remplacera jamais l’herméneutique : c’est-à-dire l’interprétation, à la lumière de la foi, des textes bibliques. Non seulement la quête de ce qu’un auteur ancien a voulu dire, mais ce qu’un texte inspiré peut encore dire pour aujourd’hui et pour demain. L’Esprit Saint accompagne cette recherche et ce service rendu à l’Église.

Quelles sont vos suggestions pour les biblistes qui souhaitent mettre en œuvre un projet de pastorale biblique ?

J’ai moi-même pendant des années présidé et animé une Association biblique en Suisse romande, organisant des sessions annuelles et accompagnant le travail en petits groupes tout au long de l’année. Il faut tenir ensemble deux pôles : la fidélité à la Parole de Dieu avec une exigence quant au contenu transmis, et une pédagogie permettant à des gens sans formation universitaire et parfois même avec très peu d’étude de comprendre la Parole de Dieu et de bénéficier de sa lumière. Nous avons toujours pris garde d’intégrer des non-universitaires, des femmes et pas seulement des hommes ou des clercs, des plus jeunes aussi.

Que pensez-vous de la croissance du pentecôtisme en Amérique latine et en Afrique, définis comme des “continents de l’espoir” ?

Je ne puis répondre à cette question car je ne connais pas suffisamment l’Amérique latine et l’Afrique. La seule chose qui me frappe, c’est dans tous ces groupes un désir de ferveur, de fraternité alors que nos célébrations ou notre proposition de foi paraissent trop désincarnées ou abstraites.


Frère Jean-Michel Poffet est né en 1944 à Fribourg, en Suisse. Il est entré dans l’Ordre en 1964. Il a fait son noviciat et deux ans de philosophie en Belgique. Il a ensuite étudié la théologie à l’Université de Fribourg. Il a été ordonné prêtre en 1970. Après deux ans de ministère pastoral dans la paroisse dominicaine de Saint-Paul à Genève, il étudie à l’Institut biblique pontifical de Rome et obtient une licence biblique en 1975. Après trois ans de ministère à Genève, il retourne à Fribourg et obtient un doctorat en théologie en 1984. Il est nommé professeur associé à la faculté de théologie de l’université de Fribourg. Il est cofondateur et président de l’Association biblique de Suisse romande. En 1999, il est élu directeur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem, puis réélu à deux reprises jusqu’en 2008. En 2007, il rejoint l’Ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem avec le grade de commandeur. Le 1er janvier 2009, il a été décoré de la Légion d’honneur par le gouvernement français. Le 15 septembre 2023, il reçoit du Maître de l’Ordre le diplôme de Maître en sacrée théologie. Il est élu prieur à plusieurs reprises et régent des études pour sa province. Il continue à donner des cours, des retraites et des conférences, notamment dans des monastères et pour des communautés religieuses, ainsi que dans les médias. Il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages d’exégèse, avec un accent particulier sur la théologie biblique et l’importance spirituelle de l’étude de l’Écriture. Plusieurs de ses ouvrages de théologie biblique ont été traduits en différentes langues.

  1. Il s’agit d’un diplôme honorifique délivré par le Maître de l’Ordre, sur recommandation du Conseil général, conformément à certaines exigences relatives à l’octroi de ce diplôme. Le titre remonte à 1303, lorsque le pape de l’époque, Benoît XI, un dominicain, a créé ce diplôme pour que l’Ordre des Prêcheurs puisse accorder la faculté d’enseigner la théologie. Aujourd’hui, il s’agit d’un titre honorifique et exclusivement académique, mais c’est la plus haute reconnaissance de l’excellence dans les sciences sacrées au sein de l’Ordre des Prêcheurs. ↩︎